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Que font les usagers de ChatGPT ?

OpenAI a publié une étude analysant plus de 1,5 millions de questions envoyées à son célèbre chatbot entre mai 2024 et juin 2025 afin de catégoriser les usages que les utilisateurs font de son outil. L’étude a été accomplie par des économistes d’OpenAI rappelle pertinemment Usbek & Rica, ce qui montre que l’entreprise observe ces évolutions parce qu’elles ont un impact bien réel sur l’évolution de son modèle économique.

« En juillet 2025, 18 milliards de messages étaient envoyés chaque semaine par 700 millions d’utilisateurs de ChatGPT, soit environ 10 % de la population adulte mondiale », attaque le rapport. Il rappelle que deux études précédentes ont tenté de classer pour les analyser les requêtes sur les chatbots : une portant sur les usages de Claude, une autre sur Copilot de Microsoft. Et que ce classement est compliqué, puisqu’il repose sur des taxonomies utilisant elles-mêmes l’IA pour tenter de caractériser les différents types de requêtes que les gens font sur ces outils, avec toutes les imprécisions que ces classements peuvent générer donc.

L’étude repose sur un échantillon aléatoire de messages envoyés à ChatGPT avec les forfaits grand public (Gratuit, Plus, Pro) entre mai 2024 et juin 2025 – il n’évoque donc pas les usages liés aux forfaits entreprises… (on suppose qu’une étude sera prochainement publiée sur cette autre catégorie de publics). Le type d’interaction demandée ou le sujet des messages sont donc déterminés par analyse automatisée (l’étude documente d’ailleurs les prompts utilisés pour classifier les messages sur l’échantillon collecté).

Le premier enseignement de l’étude est de montrer que l’usage de ChatGPT pour le travail recule fortement au profit d’usages de loisirs. Les requêtes non professionnelles représentent désormais plus de 70% des usages grand public de ChatGPT et ces évolutions ne semblent pas liées à la modification de la composition des utilisateurs de ChatGPT. Pour les chercheurs, cela signifie que l’impact de l’IA va être plus fort qu’on le pense dans le quotidien des gens. C’est ce que défendaient également les chercheurs Avinash Collis et Erik Brynjolfsson dans un article du Wall Street Journal, expliquant que les bénéfices de l’IA tout comme ceux des ordinateurs en leur temps, n’ont pas d’impact immédiat dans le PIB, mais en ont dans l’existence des gens. Dans un premier temps après le déploiement d’innovations, les gains profitent aux consommateurs avant de profiter aux entreprises. Lorsqu’un consommateur utilise un chatbot ou un générateur d’images gratuit, aucune transaction commerciale n’a lieu. La révolution de la productivité démarre souvent d’une manière invisible.

« Près de 80 % de l’utilisation de ChatGPT se répartit en trois grandes catégories : orientation pratique, recherche d’informations et rédaction ». « L’orientation pratique est le cas d’utilisation le plus courant et comprend des activités telles que le tutorat et l’enseignement, les conseils pratiques sur divers sujets et l’idéation créative. La recherche d’informations comprend la recherche d’informations sur des personnes, des événements d’actualité, des produits et des recettes, et semble être un substitut très proche à la recherche sur le Web. La rédaction comprend la production automatisée d’e-mails, de documents et d’autres communications, mais aussi la révision, la critique, la synthèse et la traduction de textes fournis par l’utilisateur. L’écriture reste l’usage le plus courant au travail, représentant en moyenne 40 % des messages professionnels en juin 2025. Environ deux tiers des messages écrits demandent à ChatGPT de modifier le texte de l’utilisateur (édition, critique, traduction, etc.) plutôt que de créer un texte de toutes pièces. Environ 10 % de tous les messages concernent des demandes de tutorat ou d’enseignement, ce qui suggère que l’éducation est un usage clé de ChatGPT ». Reste que les activités de production (écriture et reformulation, de recherche d’information et de conseils) demeurent bien supérieures à tout autre type d’usage. Les activités d’apprentissage actif semblent assez minoritaires dans les usages. 

Image : graphique extrait de l’étude d’OpenAI montrant l’évolution des différentes catégories d’usages de ChatGPT dans le temps. L’usage pour l’écriture est peu à peu supplanté par la demande de conseil et la recherche d’information.

Image : graphique extrait de l’étude d’OpenAI qui précise ce que recouvrent les différentes catégories d’usages de ChatGPT. Générer une image par exemple ne représente que 4,2% de l’utilisation du chatbot quand la recherche d’information domine à 18,3%.

Dans leur étude, les chercheurs constatent que les messages liés à la production de code restent assez faibles, notamment par rapport à l’étude sur les usages de Claude : seulement 4,2% sur ChatGPT, contre 33% des usages de Claude. Ils constatent aussi que la part des messages liés à des questions « émotionnelles » est relativement faible (1,9% des requêtes). Un chiffre permettant aux chercheurs de réfuter l’explosion de l’usage du chatbot comme compagnon de vie, qu’avançait par exemple Marc Zao-Sanders dans un article pour la Harvard Business Review et dans un rapport sur les 100 principaux cas d’utilisation de l’IA générative. Pour Zao-Sanders, les principaux cas d’utilisation de l’IA générative s’orientent principalement vers les applications émotionnelles et l’accompagnement dans le développement personnel. Pour lui, en 2025, 31 % des cas d’utilisation relevaient du soutien personnel et professionnel ; 18 % de la création et de l’édition de contenu ; 16 % de l’apprentissage et de l’éducation ; 15 % de l’assistance technique et du dépannage ; 11 % de la créativité et des loisirs ; et 9 % de la recherche, de l’analyse et de la prise de décision. En fait, on a l’impression que la classification produite par OpenAI publiée alors que les polémiques sur l’usage de chatbots compagnons explosent, servent beaucoup à minimiser cet impact. 

Image : l’évolution du top 10 des usages pratiques de l’IA générative selon Marc Zao-Sanders.

OpenAI souligne également les transformations de sa base d’utilisateurs. Alors qu’au lancement de ChatGPT les utilisateurs portaient des prénoms typiquement masculins, désormais, les utilisatrices de ChatGPT semblent équivalentes aux utilisateurs. « La moitié des messages envoyés par des utilisateurs adultes l’ont été par des utilisateurs de moins de 26 ans », expliquent les chercheurs, ce qui signifie que ceux-ci sont des utilisateurs plus actifs que les autres cohortes d’âge. L’usage de ChatGPT a progressé d’une manière plus rapide dans les pays à revenu faible et intermédiaire au cours de l’année écoulée. Enfin, « nous constatons que les utilisateurs instruits et les professionnels hautement rémunérés sont nettement plus susceptibles d’utiliser ChatGPT pour leur travail ».

« 49% des messages sont des messages de type “demande” (c’est-à-dire le fait de rechercher une information ou d’obtenir une clarification), 40% des messages de type “faire” (c’est-à-dire à produire un résultat ou lui faire accomplir une tâche particulière) et 11% des messages de type “expression” (c’est-à-dire pour demander par exemple une reformulation) ». Mais la catégorisation produite n’est pas si claire, puisque les auteurs précisent qu’en juillet 2025, « 56 % des messages liés au travail étaient classés comme “faire” (par exemple, effectuer des tâches professionnelles), et près des trois quarts d’entre eux étaient des tâches d’écriture ». La différence entre ce qui est qualifié d’expression et de faire semble donc assez poreuse. Pour les chercheurs, « la recherche d’informations et l’aide à la décision sont les cas d’utilisation les plus courants de ChatGPT dans la plupart des métiers ». Pour les économistes en tout cas, l’IA générative vient bien aider les utilisateurs en prodiguant des conseils, des résultats, ou en les aidant à reformuler les choses. OpenAI tente surtout de faire ici la démonstration de ses propres mérites.

Image : Evolution des pratiques des utilisateurs. On demande de plus en plus de réponses au robot et on lui demande de moins en moins d’accomplir des tâches.

Image : selon les catégories d’usages, les demandes sont plus fortes que le fait de lui faire produire quelque chose, hormis pour l’aide à l’écriture.

Le reste de l’étude présente des graphiques et précise les modalités d’obtention de ces résultats qu’on prendra surtout avec des pincettes, tant sa lecture donne l’impression que l’entreprise souhaite nous convaincre de ses qualités en minimisant ses effets.

Ce que semble dire l’étude néanmoins est que les usages professionnels de ChatGPT annoncés comme un moteur de transformation du travail sont de moins en moins évidents avec le temps. C’est un peu comme si la révolution de la performance annoncée s’était déjà éloignée, pour des usages plus anodins, plus sociaux. A observer ces chiffres et graphiques, la grande révolution du travail que promettait l’IA générative semble en train de s’éloigner pour produire des effets sociaux intimes et massifs, mais bien moins spectaculaires. Comme disait l’artiste Grégory Chatonsky, la dichotomie d’usage semble se renforcer à mesure que ces outils se déploient, entre des usages très experts et rares et des usages bien plus simples et anodins.

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